vendredi 10 juin 2016

La trahison des clercs ... Benda



A la parution de ce livre, en 1927 puis, dans une version augmentée, en 1946, Benda se proposait de dénoncer l’absolu manque de probité ( au sens nietzschéen) des intellectuels qu’il accusait de trahir en choisissant le dogme contre la réalité. Si la cible principale semble avoir été la dénonciation des intellectuels « engagés » pour la plupart communistes, sa portée était bien supérieure à cette réduction, elle-même trahison puisque favorisant le dogme (de droite) contre le réel. Aujourd’hui, particulièrement ce jour, je pense à « la trahison des clercs » … Et pourquoi donc, me direz-vous ?...
A cause du foot, évidemment. Car, pour nous vendre cette nouvelle forme des jeux du cirque, l’empereur a recruté. Les marchands du temple, évidemment, mais également quelques jolies têtes accrochées maintenant à son tableau de chasse. Des écrivains, des animateurs d’émissions culturelles, parfois fort célèbres, des comédiens, des philosophes, des metteurs en scène, des chorégraphes et, sans surprise, des politiciens (dont on sait qu’ils sont toujours prêts à se vendre au plus offrant) qui, tous, nous vantent à longueur d’antenne, de chaînes et de lignes dans la presse, la valeur universelle du football... J’en ai le cul troué. Car il n’y a aucun doute : c’est la forme actuelle de « la trahison des clercs ». L’ « opium du peuple », aujourd’hui, c’est le foot. J’ai déjà écrit quelque part que notre société dite moderne était parvenue à passe de l’antique « Du pain et des jeux » au terrible « Des jeux et des jeux ». On y est. Mon problème, quasi existentiel, est simple : où est le refuge ? Où est cet endroit du monde où l’on n’en parle pas ? Sous les bombes, dans la jungle ? Vous rigolez .. Même l’état islamique a un avis sur le foot. Je craque, ce matin, parce que le refuge que j’avais cru trouver, France Culture, se vautre avec délice dans la trahison sous couvert de nous parler de foot sous un angle intellectuel. Me reste une seule question : quelle gueule aurait aujourd’hui ce monde, à supposer qu’il en aurait une, si les hommes préhistoriques, dont je ne doute pas qu’ils devaient jouer à une forme primitive du foot, n’avaient pensé qu’au foot ? Nous voici, d’un coup, au milieu de l’univers en fusion de ses débuts avec une question : c‘est quoi le match de ce soir ? Le fait que « tout le monde » aime le foot devient dérisoire. Et alors ? Tout le monde aime le soleil. On va dessus pour autant ? Tout le monde aime chier. Le monde est-il couvert de merde ? Je crains d’avoir encore mis le doigt dessus. C’est bien de trahison des clercs qu’il s’agit. Aucun doute. Ce que n’a pas vu le « peuple », c’est que le changement de paradigme (un gros mot, hein ? …) ne change rien au fond du problème. Le pouvoir se protège par tous les chemins que lui offre la passion des « esclaves ». Ce monde est régi par une seule phrase, qu’on attribue à Louis XV (mais qui s’apparente au « je m’en lave les mains » de Ponce-Pilate) : « après moi, le déluge ». On y va tout droit. Dans la joie des matches de foot qui arrivent à partir de ce soir. Ce qui me rappelle, du coup, un certain Folamour. La seule attitude possible en face de ce déferlement de « foot », le seul, c’est « aux chiottes le foot », serait-on contre tout le monde. On appellerait ça « l’honneur des intellectuels » … Une formule que BHL et ses amis se sont évertués, depuis des décennies, à discréditer. Ce qui mérite bien quelques entartements. Et s’il n’en reste qu’un ….

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